Monday 8 September 2014

Horst: Photographer of Style à V&A jusqu’au 4 janvier 2015 – Londres SW7

Corset by Detolle for Mainbocher
 Artist: Horst P Horst
 Date: 1939
 © Conde Nast / Horst Estate

For the English version of this post, click here

« Je sens une grâce apaisante dans ton travail remarquable – d’autant plus aujourd’hui où nous vivons une époque bombardée de toute part par les clichés instantanés » Lisa Fonssagrives, 1976.


Robert Mapplethorpe, Louise Maisons (voir lien article en anglais plus bas), Herb Ritts, Bruce Weber, Madonna, Siouxsie & The Banshees et même le film Le Diable s’habille en Prada ont rendu hommage au travail de Horst P Horst.

Qui est Horst P Horst ?
Horst P Horst est né Horst Paul Albert Bohrmann en 1906 à Weiβenfels-an-der-Saale, La Thuringe, en Allemagne. Ses parents sont des protestants bourgeois qui, malgré les dures épreuves de la Première Guerre Mondiale lui payent des études de charpentier et de dessinateur de meubles à l’Ecole d’Art Appliqué de Hambourg (Kunstgewerbeschule). En 1930, Horst part à Paris pour y devenir l’élève apprenti de Le Corbusier, architecte et dessinateur de meubles. Grâce à celui-ci, il rencontre George Hoyningen-Huene et emménage très vite dans son appartement chic parisien et devient à la fois son élève en photographie et son amoureux.

Entre 1931 et 1992, lorsque sa vue s’affaiblit, Horst est l’un des photographes les plus importants du XX Siècle. Il est non seulement responsable d’un grand nombre de couvertures pour Vogue en France, en Amérique du Nord, au Royaume-Uni, en Italie, etc. et publie également pour le magazine House & Garden et autres livres et magazines de photos. Horst meurt dans sa demeure aux Etats-Unis en 1999.

Muriel Maxwell, American Vogue
Artist: Horst P Horst
Date: 1939
© Conde Nast / Horst Estate

V&A - Horst: Photographe de Style
Jusqu’au 5 janvier 2015, le Musée V&A du « quartier Français » de South Kensington à Londres présente une des plus importantes rétrospective du travail photographique de Horst P Horst. Un travail qui s’inscrit aussi dans le monde de l’art, la Haute Couture, le théâtre et la société mondaine.
L’exposition Horst: Photographer of Style comporte 250 photographies, des vêtements de Haute Couture, des magazines, des images d’archive et des objets. Chaque salle est une dédicace des amitiés intenses et durables de Horst avec Coco Chanel et Elsa Schiaparelli ; Marlene Dietrich et Noël Coward ; Salvador Dalí et Jean-Michel Frank etc. Au point culminant de l’exposition, on y trouve une plateforme de plus de 90 couvertures devenues rarissimes de Vogue par Horst.
Certains aspects moins connus de son travail y sont également révélés, comme sa série d’hommes nus, ses voyages au Moyen Orient ou en Amérique Latine. On y trouve son processus créateur telles ses planches contacts, ses dessins ou ses appareils photo. Notamment, celles de sa photo la plus connue : Le Corset Mainbochet. L’exposition explore ses sources d’influence qu’elles soient Classiques, Bauhaus ou Surréalistes dans le Paris des années 30.

Les magazines de mode au début du XX Siècle
Le Péruvien Reynaldo Luza (voir lien article en anglais plus bas) était un des illustrateurs de mode les plus réputés pour Vogue et Harpers Bazaar jusqu'à ce que ces magazines changent de format pour privilégier uniquement la photo de mode dans les années 30. George Hoyningen-Huene était considéré comme le grand maitre de la photo de mode et du corps humain dans les années 20 et 30 : la culture du corps était le passe temps tendance avec le sport, l’air de la nature et les « bains de soleil ». Lorsque les Etats-Unis ont souffert la Grande Dépression des années 30, le monde de la mode représentait une échappatoire pour ceux qui se projetaient dans ses pages au papier glacé de Harpers Bazaar ou de Vogue. Malgré cette époque sombre, le nombre d’abonnements à ses publications avait grandement augmenté.  
De façon incontestable, le Paris des années 30 était la capitale de la mode. Horst était très méticuleux quant au positionnement du corps de ses modèles, mais aussi du textile. Les poses étaient empruntées au classique et la plupart des photos en noir & blanc restaient minimalistes. Pour « vendre » de l’illusion, Horst pensait qu’il ne fallait pas rajouter d’éléments s’inscrivant dans la réalité, sinon le lecteur perdait cette sensation de rêve.

Mode... élégance...
Pendant l’hiver 1930, Horst et Hoyningen-Huene voyagent au Royaume-Uni pour s’abreuver de musées d’art, mais surtout pour y rencontrer le tout premier photographe de Vogue, Cecil Beaton. De ce voyage, Horst dira « La seule vraie élégance masculine est Anglaise ». Pour lui, la mode n’est qu’un prétexte pour pouvoir façonner les corps, construire un paysage, jouer avec les formes et les textures… il réécrit la lumière d’une pièce, il la traduit même. Il est l’architecte du corps des femmes, un maître des jeux d’ombres, un œil dramatique et romantique qui sculpte au scalpel ! L’élégance est au-dessus de tout.
Son humour gris et ses photos sombres provoquent souvent des vagues houleuses avec le personnel de Vogue. Edna Woolman Chase, éditeur en chef de Vogue entre 1914 et 1952, envoie une note à la ronde en 1937 : « Je viens de réprimander Horst à propos du manque de lumière dans ses photos. Il faut absolument que nous cessions d’accepter ce désir de la part de nos photographes à tout voiler dans le mystère le plus absolu. »
Lui, il préfère se concentrer sur les points importants d’une robe plutôt que ceux d’un visage. Les visages, contrairement à ceux des statues grecques qui étaient faits pour être exposés à la lumière du soleil, sont plus complexes à exposer sous la lumière des projecteurs de studio – soit la lumière expose les rides, soit elle laisse un œil au beurre noir. Horst favorise la subtilité de l’angle d’un visage.


Installation dans la salle Haute Couture
(c)Victoria and Albert Museum, London

Coco Chanel
Reconnue pour avoir libéré le corps des femmes de leurs lacets et corsets, Coco redonne à ces corps une allure plus sportive après la Première Guerre Mondiale. Unique en son genre parmi la Haute Couture parisienne souvent austère à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, elle revigore la femme en l’affûtant d’un look nonchalant mais élégant – voir les vêtements en exposition dans la salle « Haute Couture » avec Lanvin, Molyneux, Schiaperelli, Vionnet, etc.
Une des photos préférée de Coco – dans la même salle – est celle que Horst a prise d’elle lorsqu’ils se sont rencontrés à New York en 1937. Il n’a jamais voulu lui faire payer les impressions qu’elle lui avait commandées. En signe de reconnaissance, elle lui offre quelques meubles de sa propre collection. Pendant trois décennies, Coco et Horst collaborent ensemble et il dira d’elle : « Sans aucun doute, le centre du cercle, la star du cirque, c’est Chanel »

Seconde Guerre Mondiale... Amitiés
En dépit de son évolution parmi les riches et le luxe, Horst se permet une série de quatre photos – dans la pièce Surrealism – au  titre « Beauté Electrique / Electric Beauty » Si les années 20 ont permis aux gens de s’occuper plus de leurs corps, Horst pense qu’à la veille de la guerre, ces traitements extrêmes étaient futiles. Sa série est un regard satirique sur les salons de beauté.
En août-septembre 1939, après avoir rencontré Cartier Bresson et Dali, il photographie les dernières collections parisiennes, dont notamment sa photo la plus connue et mystérieuse Le Corset Mainbocher de Detolle. La vie de bohème parisienne prend fin lorsque la plupart des artistes fuient Paris. Horst lui-même embarque pour la dernière traversée de l’Atlantique sur le Normandie vers New York, où il travaillera pour Vogue.
Malheureusement, l’entrée en guerre des Etats-Unis ne favorise pas sa situation en tant qu’Allemand et il lui est très difficile de travailler. En été 1943, il s’engage dans l’armée Nord Américaine et devient citoyen Etatsunien. Il profite de cette opportunité pour changer son nom Horst Paul Albert Bohrmann à Horst P Horst. Détestant l’uniforme, l’éditeur en chef de Vogue Edna Woolman Chase (le mémo sur les photos sombres) parvient à faire réduire son service et le fait entrer dans les murs de Condé Nast. L’exposition accueille ses deux étiquettes d’armée en acier où il y figure le nom d’Edna en tant que sa parente proche.
Une zone d’ombre plane sur sa relation avec sa famille et ses amis en Allemagne alors qu’il est évident que pendant toute sa carrière, Horst noue des liens très forts avec les personnalités qui l’entourent, qu’ils soient mannequins, rédacteurs en chef, dessinateurs de mode, etc. La liste est longue, mais parmi les photographies de l’exposition, on y trouve au travers des salles Haute Couture – Surrealist – Stage & Screen – Travel – Pattern from Nature – Studio – Fashion in Color – Living in Style – Nudes : Lyla Zelensky, Princess Karam Kapurthala, Lee Miller, Ludmila Leonidovna Feodoseya, Sonia Colmer, Helen Bennett, Cora Van Millingen, Agnetha Fisher, Lisa Fonssagrives, Salvador Dali, Luchino Visconti, Marlene Dietrich, Bette Davis (assise dans une chaise géante), Mistinguette, Ginger Rogers, Vivien Leigh, Jessica Tandy (née à Hackney en 1909)… George Hoyningen-Huene lui léguera sa collection de photos à sa mort.

View of ruins at the palace of Persepolis, Persia
Artist: Horst P Horst
Date: 1949
© Conde Nast / Horst Estate

Voyages et formes hallucinogènes
Alors que le gratin des célébrités se « réfugie » à Rome pour y vivre les moments délicieux de la Dolce Vita au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale (voir lien article ci-dessous), Horst voyage au Moyen Orient, en Amérique Latine et sur les côtes Pacifique et Atlantique avec Valentine Lawford. Ils se rencontrent en 1947 et forment un couple jusqu'à la mort de Valentine en 1991. Les deux pièces « Travel et Pattern from Nature » contiennent des photos très peu connues de ces voyages. On y trouve également une lettre touchante de l’éditrice en chef pour Harpers Bazaar, Diana Vreeland qui s’exprime au sujet de ses photos exquises.
En ce qui concerne les photos à caractères hallucinogènes, je soupçonne Horst d’avoir pris des concoctions de liane ou des potions de cactus pour visionner ces formes prises au Mexique a partir d’arbre – qui sont par ailleurs des études photographiques de l’art contemporain en Amérique Latine. Ces reproductions à répétitions ont servi de schémas pour des impressions sur textile et autres objets d’art. Malheureusement, ils sont si rares, me dit un chercheur au V&A qu’il est difficile de les localiser. Si quelqu’un connait le ou les propriétaire(s)… faites le savoir SVP.

Installation dans la salle Fashion in Color
(c)Victoria and Albert Museum, London

La vie en couleur
A partir du XIX Siècle, seuls ceux qui peuvent se permettre d’expérimenter les techniques couleurs en photographie s’amusent avec la chimie. Ce n’est qu’à partir des années 30 que la photo couleur devient plus accessible mais reste malgré tout une technique en développement. Il faut un diaphragme totalement ouvert et un temps d’exposition relativement long pour capturer une image, ce qui demande au mannequin une position immobile assez longue et rend parfois une image légèrement floue. Malgré cette difficulté, Horst réussit des photos de mode aux allures architecturales et produit 94 couvertures de Vogue entre 1936 et 1963 – en exposition sur une plateforme qui traverse la salle Fashion In Color entourée de larges photos en couleur.

Les incontournables de l’exposition
L’appareil photos « dinosaure » de studio des années 40, Ansco et sa valise contenant des plaques photographiques.
La collaboration Horst et Dali dans la salle Surrealism – les autres photos surréalistes me semblent plus êtres des études qu’un travail abouti.
Les photos d’hommes nus (la dernière salle, Nudes) est un véritable travail sur la lumière, les ombres et les formes. Cette collection a été exposée à Paris en 1953 et appartient aujourd’hui au couple Elton John / David Furnish. De cette collection, Mehemed Agha, directeur artistique pour Vogue, disait à l’époque : « Horst prend la glaise inerte de la chaire humaine et la transforme en formes décoratives à partir de sa propre conception. Chaque geste de ses poseurs est planifié, chaque ligne est contrôlée et coordonnée dans l’intégralité de l’image. Si les gestes semblent naturels et dénudés de précision, c’est parce qu’ils sont en fait répétés avec une infinie précision ; les autres, comme le dieu de Voltaire, ont été inventés par l’artiste parce qu’ils n’existaient pas. »

Horst: Photographer of Style n’est pas seulement une exposition de photographie... c’est une leçon de patience et d’étude attentive des formes et des lignes. Une véritable relation entre le poseur et un homme qui aurait dû être charpentier…

Pour la petite histoire, Horst a eu sa première exposition en Allemagne en 1987 alors qu’il avait 81 ans !


Heures ouvrables du musée
10h00 à 17h45 tous les jours - 10h00 à 22h00 tous les vendredis (certaines galeries restent ouvertes après 18h00) - Fermé du 24 au 26 décembre
L’entrée du tunnel située à la station de métro South Kensington, pour accéder au V&A, est ouverte de 10h00 à 17h30 tous les jours, mais peut être fermée, à l’occasion, sur demande du Métro londonien.
Billets
£8 – Pour acheter votre billet = www.vam.ac.uk/horst ou appelez 0044 - (0)20 7420 9736

L’exposition est aménagée par Susanna Brown, Curator des photographies au V&A
L’exposition a été montée grâce à : The Horst Estate ; R. J. Horst ; The Condé Nast Archive à New York ; et la Collection de Vogue Paris. Il y aussi des photographies et des articles de Haute Couture appartenant à la collection du V&A.
#Horst #photographie #surrealisme #mode #art #argentique #vogue

Plus d’info =
Adresse :
Victoria and Albert Museum, Cromwell Road, London SW7

Ne pas hésiter a me contacter a l’adresse ci-dessous si vous voulez paraitre dans les colonnes de Babylondorbital – un événement culturel à Seoul ou Londres ou Hanoi… j’étudierai votre cas ! Sybille Castelain = babylondonorbital@gmail.com

Billets référence en anglais :




No comments:

Post a Comment